Aujourd’hui, tu aurais eu 17 ans. J’espère que tu es heureux là où tu es, et que tu peux dormir, ronronner, miauler, faire tes griffes et manger tout ton soûl. J’espère que tu reçois tout l’amour que je continue à t’envoyer. Tu me manques à un point que j’avais imaginé en me disant “nah, ça ne sera pas si mal”… mais oui, ça fait si mal.

Tu es parti alors que je te parlais “dans ma tête”, à quelques minutes de te voir en vrai. Je t’ai donné la permission d’y aller… je regrette presque de l’avoir fait alors que j’étais si près de toi. Je suis arrivée pour ton dernier souffle. Tu étais couché dans ta posture de sommeil habituelle, sur le flanc droit. J’ai fermé tes yeux. Tout ce que je souhaite, c’est que ta dernière journée n’a pas été trop souffrante et que tu as eu tous les soins qu’il te fallait pour te soulager. Je suis si triste d’avoir passé ton dernier mois de vie loin de toi… je donnerais bien des choses pour t’avoir avec moi jusqu’à ce dernier jour. J’ai continué à te flatter un peu. Je t’ai donné mon bisou sonore que je faisais toujours sur ton front, quand je t’ai laissé dans les mains de la personne qui a pris soin de ton petit corps, toi qui as déjà été beaucoup plus dodu.

Je te cherche encore du regard, au détour d’une pièce, dans un rayon de soleil sur le plancher du salon, sur le tapis du plancher chauffant de la salle d’eau, enroulé sur la couette dans le solarium, assis le poil au vent le museau dans le moustiquaire à flairer le dehors, couché dans ma valise ou sur n’importe quelle pièce de vêtement que je laissais par terre, étalé devant le foyer, assis au garde-à-vous sur la chaise de cuisine qu’on n’a pas repoussée, entre mes pieds alors que je descends l’escalier le matin, sur les chaussures laissées sous mon bureau, sur le pouf marron à côté de mon bureau…

J’entends encore ton miaulement. Répétitif matin et soir à l’heure où je te nourrissais, étouffé derrière la porte du sous-sol refermée derrière toi alors que tu t’y étais faufilé, muet devant la porte patio, timide pour me demander la permission de cuisser, derrière la porte du garage avant qu’on l’ouvre à notre retour d’une absence de quelques heures ou jours…

J’entends encore ton ronronnement. Ce ronronnement dont tu m’as gratifiée tous les jours de ta vie de chat, que j’espère avoir été aussi agréable que le ronron que tu me donnais. Sur mes cuisses, couché sur moi sur le sofa du salon, dans le lit, dans le canapé du solarium, même simplement lorsque je te flattais en passant à côté de toi ou lorsque je te parlais. Tu me répondais. Je ne parle pas chat, mais je comprenais tes humeurs. Je comprenais tes codes, tes postures, tes réactions, tes envies et tes peurs. Tu faisais de même pour moi, d’ailleurs! À tous les moments de ma vie où j’ai été triste, où j’avais besoin d’une présence aimante ou simplement un petit passage creux, tu étais là, et tu démontrais une compréhension de ce que je ressentais en me donnant encore plus d’affection. Qu’on ne me dise jamais qu’un chat est bête… tu m’as prouvé à d’innombrables reprises que tu étais très intelligent!

J’entends aussi ton ronflement. Parce que oui, tu ronflais. Surtout depuis 3 ou 4 ans. C’était facile de savoir si tu étais endormi, devant le foyer ou sur un coussin: ta respiration régulière et ton ronflement, ainsi que parfois tes petits coups de patte dans le vide -mais à quoi rêvais-tu!?- indiquaient clairement que tu étais en plein sommeil.

Je sens encore ta langue ultra-râpeuse sur mes mains, mes avant-bras, mes pieds, bref, toute superficie de peau laissée à ta portée, alors que tu étais éveillé. Tu ne pouvais pas t’empêcher de faire ma toilette, surtout lorsque je revenais de courir et que je dégoulinais de sueur. Tu as toujours aimé autant ma peau salée que mes crèmes hydratantes.

Je sens encore la douceur de ton pelage et la force de ton head bump dans mes mains ou sur ma figure, et la différence de texture entre les poils de ton front, du dessus de ton museau, de tes pattes, de ton cou, de ton ventre ou de tes flancs. Et surtout, la chaleur de ton corps. C’était bizarre de te flatter une fois cette chaleur partie…

Chercher la chaleur et le confort, ta spécialité. Toujours près du foyer lorsqu’il était allumé, ou dans un rayon de soleil sur le plancher. Sauf si le plancher chauffant était activé: alors là, le summum, c’était sur le tapis rond, sur le plancher chauffant… encore mieux que le soleil! Tu te faufilais pour trouver l’endroit le plus douillet d’une pièce. La tablette où l’Homme a rangé son pantalon de ski, le coussin tombé derrière le canapé du solarium, la couverture à moitié pliée sur le coin du divan, le panier avec une doudoune et un polar, DEUX coussins empilés (princesse au petit pois, va!), bref, pour trouver la pièce la plus confortable, il fallait simplement te suivre. Jusqu’à tes derniers jours, tu dormais à mes pieds (ou au pied d’un lit), sur lequel tu arrivais encore à grimper. Tu venais même parfois dormir sur mon ventre ou carrément ma poitrine. Avec une patte près de ma figure. Dès que je m’asseyais à mon bureau enroulée dans une couette, c’était immanquable: tu demandais à me rejoindre… même si je m’installais alors que tu étais déjà endormi ailleurs, tu te réveillais, comme si tu venais de recevoir une alerte de potentiel de confort supplémentaire!

Je t’ai fait traverser un nombre indécent de déménagements, je t’ai trimballé en voiture, avec et sans cage, je t’ai forcé à t’adapter à de nouveaux environnements et de nouveaux humains, vieux et jeunes, je t’ai imposé des séjours avec des chiens, d’autres chats, un lapin nain, j’ai même poussé l’audace jusqu’à t’obliger à supporter un chien dans notre maison pour quelques semaines. Je t’ai forcé à vivre des mini-abandons, chaque fois que je quittais, pour une semaine, un mois ou un an. (Savais-tu que tu me suivais partout, en photo en fond d’écran ou dans mon porte-monnaie? MamanChâ un peu folle partait toujours avec un petit peu de toi…) Tu as vécu tout ça comme peu de chats l’auraient fait: tu exprimais ton désaccord et ton inconfort, mais tu me pardonnais, chaque fois. J’ai eu très peur quand ma mère m’a raconté que tu t’étais blessé en sautant d’un meuble, pendant mon séjour d’un an en Europe. Et au son de ma voix, tu as grimpé l’escalier comme si de rien n’était à mon retour. J’en suis encore émerveillée.

J’espère aussi que tu m’as pardonné chaque fois que je m’excusais de t’avoir presque botté du pied alors que tu étais trop empressé, entre mes jambes, et chaque fois que j’ai écrasé un bout de patte ou de queue par inadvertance alors que je ne te voyais pas ou que tu bougeais trop vite. J’espère que tu sais que je n’ai jamais voulu te faire mal, de la même manière que je sais très bien que ton intention n’était pas de me charcuter lors de chacun de tes départs précipités de mes cuisses. Et j’espère que tu m’as pardonné cette humiliation que je t’ai fait subir, de te faire raser. Quelle ignominie! Depuis ce temps, d’ailleurs, ta queue a perdu de son volume et n’a jamais retrouvé ce plumeau d’avant. Je pense avoir fait une bonne chose à ce moment: tu étais un peu trop dodu, et tu n’arrivais plus à faire ta toilette comme il faut… tu avais des noeuds dans ton poil sur le dos et les flancs. J’ai d’ailleurs tenté de changer ta nourriture, de réduire un peu les portions… mais tu étais glouton! Après cet épisode, j’ai décidé d’être plus disciplinée: je te brossais, à ton grand déplaisir.

Pour soulager tes pattes et ton coeur, je t’ai imposé une autre chose infâme: le Pipolino! Tu étais alors littéralement obèse. Tu pesais 23 livres… en 6 mois, sans diminuer la quantité de nourriture que je te donnais, tu as perdu près de 10 livres. Tu étais redevenu un chat “svelte” pour ta taille, parce que oui, tu avais une bonne ossature. On oublie le chat maigrelet moyen de 8 livres, ça n’a jamais été toi! Les belles grosses pattes et les moustaches larges, tout ça, c’était pas de la frime! À partir de là, tu étais à nouveau capable de sauter sur mes cuisses, sur le divan, sur le lit… Depuis cette perte de poids, tu es demeuré glouton, mais je contrôlais ton alimentation. Matin et soir, la dose nécessaire. Bien sûr, il t’arrivait de t’enthousiasmer en mangeant… ça ressortait. J’ai inlassablement ramassé, boule de poils ou pas… ça faisait partie de la vie avec toi! Il y a bien certaines fois où tu as profité de l’absence de vigilance de tes hôtes pour te servir un all-you-can-eat buffet à grands coups de pattes dans le sac et la boite de bouffe… tu en as eu pour une journée à digérer! Mais malgré ces excès sporadiques, je pense bien que de t’avoir forcé à bouger plus et à manger plus lentement a contribué à ta longévité.

Et parlant de ramasser… en moyenne, sur disons 16 ans de présence, j’ai fait la litière 2 fois par semaine. J’ai nettoyé tes chiottes plus de 1660 fois. Et ça, c’est sans compter toutes les fois où j’ai passé le balai pour ramasser la litière que tu excavais, tout le tour de ton bac, qui se rendait dans toutes les pièces de la maison, coincée entre tes coussinets. Le temps que j’ai pu passer à garder la maison propre, pour éviter les allergies ou les horreurs anti-hygiéniques, je n’ai pas compté! Probablement aussi longtemps que ce que tu as pu te lécher, de la tête au… bout de la queue!

Je ne t’ai jamais incité à sortir dehors. Du bout du nez, tu flairais l’air extérieur dans le solarium. Tu t’es aventuré à quelques reprises autour des marches dehors, dans la pelouse, ou sur la galerie chez ma mère, pour mâchouiller du gazon… mais tu rentrais assez vite  au premier signe d’une mouche qui bougeait! Sans dire que tu étais peureux, tu étais plutôt prudent. Sauf la fois où tu as “découché”! Qu’est-ce que j’ai pu m’inquiéter… mais c’est pas de ta faute. Tu as profité d’une porte laissée ouverte trop longtemps pour te sauver de quelque chose qui te faisait peur: notre visite était effectivement assez terrifiante pour toi. Et le soir, quand on s’est couché, je ne te trouvais pas… je ne savais pas que tu t’étais sauvé dehors, je croyais que tu t’étais planqué dans un racoin de la maison et que tu attendais la noirceur pour aller manger. J’ai passé la nuit entre inquiétude et demi-torpeur, je ne t’ai pas entendu manger ni aller dans la litière jusqu’à mon réveil. À 5h du matin, je ne tenais plus, je suis sortie en robe de chambre pour te chercher dehors, c’était ma seule conclusion viable: tu n’étais pas dans la maison, tu devais bien être dehors! En t’appelant ici et là autour de la maison, j’ai fini par entendre ton petit miaou, entre deux cordes de bois! Comme j’étais soulagée! Je t’ai ramassé et je t’ai emballé contre mon coeur, dans ma robe de chambre, et je t’ai ramené dans le lit. J’en pleurais. À ce jour, j’ai su que je vivrais un énorme deuil quand tu partirais pour de bon.

C’est probablement pour ça que j’ai préféré que tu ne sortes pas dehors… j’avais trop peur de te perdre. J’ai toujours fait en sorte que tu aies un coin où t’amuser avec tes griffes (car oui, tu avais tes griffes, Dieu que je peux être contre le dégriffage!), que ce soit un “arbre à chat”, une boite en carton (bonus catnip!), une pile de bois… bien sûr, tu allais aussi sur les tapis et divans, sournoisement, quand tu pensais que je ne regardais pas. Les petites tapes sur ton front et tes pattes, c’était pour te rappeler que j’avais déjà prévu quelque chose pour toi… alors tu abandonnais, et tu attendais quelques semaines avant de refaire le coup. Ça n’a jamais été un problème, tes griffes. Je les coupais, un peu, la pointe, quand ça devenait trop acéré pour mes cuisses. Mais jamais je ne t’aurais fait le coup des griffes en silicone! Je préférais que tu aies tes pleines défenses, surtout lorsque je t’emmenais là où il y avait un chien! Tu as déjà utilisé la riposte griffue, d’ailleurs. Tu indiquais la limite à l’autre, et c’était parfait!

Tu n’as jamais utilisé les griffes sur moi, ni sur un enfant. Tu étais d’ailleurs d’une patience incommensurable: moi qui craignais ta réaction, tu n’as fait que m’étonner. Je t’ai imposé, alors que tu étais déjà adulte, la cohabitation avec une enfant dissipée, indisciplinée, brusque, très cajoleuse mais ô combien maladroite… tu t’es laissé trimballer, tirer, porter, écraser, flatter à rebrousse-poil… le tout dans la plus grande résignation: aucune agressivité, tout en douceur, tu te sauvais d’une pièce à l’autre quand tu en avais assez. Évidemment, l’enfant ne comprenait pas le message et jouait à te poursuivre… elle ne savait pas qu’un chat adulte, ce n’est pas comme un enfant, ça se “tanne”… tu n’as jamais eu de geste violent envers elle: aucun coup de griffe, aucune morsure. Brave Châ.

Tu n’as jamais été un fan de Noël. La seule fête où on osait parfois tenter de t’affubler d’une décoration saisonnière… au mieux, ça durait quelques minutes, jusqu’à ce que tu tentes de déloger ladite décoration. Au pire, tu t’écrasais, passivement, en attendant que ça passe… Même si l’enfant t’a remasterisé un classique juste pour toi, tu n’as jamais été fan. Tu n’as jamais grimpé dans le sapin! Tu n’as jamais fait tomber une seule boule de l’arbre. Par contre… tu es la raison pour laquelle j’ai décidé d’acheter un sapin artificiel! Tu préférais aller boire l’eau du sapin naturel, et mâchouiller les aiguilles en bout de branche. Je passais mon temps à remplir l’eau, et à nettoyer les aiguilles que tu recrachais (pour ne pas dire autre chose). Les autres fêtes, pas de déco, pas de problème. Et j’ai toujours été d’une paranoïa extrême lorsqu’il était question que les humains de la maison mangent du chocolat: tu étais si glouton que si un Smarties tombait par terre, je devais le ramasser avant que tu ne tentes de le croquer!

Il y a quelques semaines, j’ai appris au hasard d’une émission (Les Poilus, pour ne pas la nommer) qu’un chat pouvait être gaucher ou droitier. J’ai immédiatement sauté sur des images, photo et vidéo, que j’avais de toi, où je pourrais détecter l’info: c’était flagrant, tu étais gaucher! D’après les études, les chats gauchers sont plus émotifs, s’adaptent moins bien aux grands changements et sont plus nerveux, donc vivent moins longtemps… il faut croire que j’ai fait ce qu’il fallait pour que ce ne soit pas le cas!

J’ai été si chanceuse de t’avoir avec moi pendant si longtemps… plus longtemps que la moyenne des chats. Plus longtemps aussi parce que j’avais la possibilité de travailler de la maison, donc de passer de plus longues heures avec toi, plus que la moyenne des humains-à-chat. J’espère que je t’ai donné une belle vie de chat, j’espère que tu sais que tu as été aimé (et l’es encore!). Tu as été un si bon chat! J’espère que si tu reviens en chat, je croiserai ton chemin. Si ce n’est pas le cas, j’espère que tu auras une famille qui t’aimera autant que je l’ai fait… elle aura beaucoup de chance!

Je te souhaite donc, peu importe où tu es, un bon meownniversaire. Je suis près de toi et je pense à toi. MamanChâ s’ennuie de son GrôChâ.

p.s. Tu seras toujours près de moi. Je t’ai préparé une tablette de ma bibliothèque: tu as ton petit coin pour faire le bibelot, rangé juste à côté de mon bureau.