Avoir un ami, c’est aussi se soucier de cet ami. Peu importe l’âge, l’éloignement géographique ou les autres innombrables obstacles qui s’insèrent dans les relations amicales, un vrai ami, c’est quelqu’un pour qui on s’inquiètera toujours, pour qui on se réjouira… on vivra toujours un peu ses sentiments par procuration.

La chose se complexifie quand l’ami en question prend des décisions qu’on n’endosse pas. Les amis, c’est ça aussi: des gens qui font des choix qu’on ne s’explique pas, qui nous demandent notre avis, mais qui vont poser des gestes en fonction de eux, leur tête, leurs émotions. Ce qui est tout à fait normal! On est nous-même avant d’être ce que les autres veulent qu’on soit.

Mais jusqu’où peut-on aller dans un aveuglement décisionnel?

Il y a quelques mois, un ami très cher à moi a demandé le divorce à sa femme. Je m’en réjouissais car depuis une décennie que je connais le bonhomme, je ne l’ai jamais connu heureux avec son épouse. Certes, ils ont deux belles grandes filles. Certes, les premières années de mariage étaient fort agréables. Mais la différence majeure de personnalité les a rattrapés et depuis au moins 15 ans, l’une accorde plus d’importance à ses animaux de compagnie qu’à l’un. Et l’un s’en ressent, bien entendu… puisque des deux, il est le sociable. Il aime la compagnie, pas être un animal de compagnie.

Or, après la séparation -ou pendant, puisque ça se tramait déjà un brin- est arrivée la nouvelle flamme. Flamme aux antécédents relativement incendiaires, mais puisque le vent est au feu ce que la folie est à l’amour, le cocktail molotov n’a pas pris de temps à bruler. Et les ravages sont navrants. D’un homme qui ne voulait plus être un animal de compagnie il est devenu le meilleur ami de lui-même. Obéissant, dressé, accepte les remontrances et les punitions, l’humiliation en public, les prouesses pour avoir un biscuit… Ce qu’elle veut, elle obtient. Elle commande, il agit.

D’un homme avec son identité et sa fierté propres, elle en a fait un petit chien docile, qui rechigne parfois aux simagrées qu’elle exige de lui mais qui finit par obtempérer, au nom de l’amour. Insérons ici les épisodes de mièvreries sur les réseaux sociaux, les innombrables concessions de look, d’aménagement, d’alimentation, les sacrifices et les faveurs… le bout de son nez est la pointe de l’iceberg qu’elle mène.

Est-il vraiment heureux? Peut-être. Je l’espère. Je lui souhaite. Mais la connaissance que j’ai de sa personnalité et de celle de la flamme me donnent de sérieux doutes. Depuis le début de tout ce cirque, j’ai l’impression d’assister à l’étalage public d’une farce grotesque qui se terminera dans la pire honte possible. Il vaudra toujours mieux être seul que mal accompagné. Et parfois, la pire compagnie n’est pas celle qu’on pense… avoir un chien pour elle était déjà chose faite, elle en a maintenant un deuxième, à quatre pattes. Gageons qu’elle déplacera toute son attention sur celui-là, en laissant le premier à ses problèmes…

silence