Je suis dans un état de fatigue qui approche le coma, j’abuse de mon corps depuis une semaine. Couchée à pas d’heure, décrochage total des activités régulières… Disons-le, la petite Akelia sérieuse a vécu une semaine de n’importe quoi.
En ordre:
Mercredi, dernier, première expérience de travail en public: je manque décidément de confiance en moi. Faire de la photo lors d’une conférence, c’est accepter implicitement que toute l’assistance jette un regard sur le photographe, à un moment ou à un autre: il faut être devant tout le monde, mais ne bloquer la vue de personne.
Et au final, il faut savoir être les yeux des absents, leur montrer ce qu’ils auraient voulu voir s’ils avaient été présents.
Le chef de pupitre et le directeur de la photo se disent satisfaits de mon travail… Tant mieux, j’ai réitéré l’expérience vendredi, mais c’était déjà moins embarassant: plus de gens, moins d’attention attirée sur moi, parce que l’intérêt était dispersé entre les différents participants au colloque. J’ai pu être un peu plus invisible, les gens ne se souciaient pas de moi… Apprends, Akelia, apprends, vite, et beaucoup.
J’ai tant de confiance à gagner… travail de titan.
Jeudi, autre expérience photographique: petite séance avec un ami, qui voulait donner une photo de lui à sa copine pour la Saint-Valentin… un des avantages des photographes, c’est la proximité avec le modèle dans ce genre de situation. Les contacts physiques avec les humains qui m’environnent sont si rares que chaque occasion pour prendre la main ou l’épaule de quelqu’un est un petit oasis de chaleur dans mon désert d’affection.
Vendredi, mes deux parents sont venus: c’était la première fois depuis 10 ans que nous étions tous les 3 ensemble pour plus de 10 minutes… et ça ne m’a rien fait. Je crois que celui à qui ça a le plus fait quelque chose, c’est mon père… ma mère est bel et bien passée à autre chose.
Samedi, venue d’un ami, première rencontre IRL: on se parlait depuis juillet dernier sur MSN. Depuis mon voyage en Europe, le passage du net à l’IRL a été “banalisé” pour moi. Mais j’en ai perdu l’habitude, et certaines rencontres m’inquiètent plus que d’autres… dont celle-là. Heureusement, tout s’est bien passé, à un détail près: je prie le ciel pour qu’il ne s’accroche pas à moi… il est aussi dans un désert d’affection, il me comprend, etc.
Certes, mais par pitié, ne t’attache pas: je suis une anguille, je glisse des mains de tout le monde, je donne des chocs, et je n’ai qu’une cible. Je suis dangeureuse, je ne le dirai jamais assez, mais vous me croyez tous inoffensive… et vous tombez tous, à cause de mes yeux, de mes jeux de mots, de ma culture, peu importe… vous tombez tous, et moi après, j’ai du mal parce que je me sens coupable de la souffrance que je cause aux gens que j’avais mis en garde en plus.
A travers mes péripéties scolaires, je réalise que j’ai plusieurs amis: plus que je n’en ai jamais eu. Ce qu’on me dit doit être vrai, je devrais apprendre à faire plus confiance aux gens qui m’entourent… Francis, Louis, Jean-Philippe, tous ces gens que je ne connaissais ni d’Eve ni d’Adam il y a quelques mois, font maintenant partie de mon quotidien, ont mon numéro de téléphone, m’appellent pour une soirée, m’invitent à boire un pot, s’inquiètent de moi… Et tous ces autres encore, dont je ne connais que le prénom, mais qui m’identifient comme la fille super sympa, toujours souriante et de bonne humeur, serviable, patiente et généreuse…
Il doit y avoir erreur sur la personne.
Les gens qui me connaissent depuis longtemps savent que je suis insupportable, râleuse, impatiente, incapable d’écouter les gens qui m’entourent, que je parle tout le temps et que de moi…
Confiance, confiance, confiance. En moi, et en ces gens dont le jugement ne doit pas être si mauvais, après tout…
J’ai trop de mal à croire que j’ai pu changer. Trop de mal à croire que je sois vraiment devenue quelqu’un de bien, qu’il est bon de fréquenter, qu’on apprécie pour ce qu’elle est…
Et pourtant, pourtant… Cet ego, qui ne me laisse pas tranquille, et qui ne cesse de me dire “tu le sais que tu es intelligente, cultivée, marrante, pas si moche, et que tu as plein de talents en photo, en musique, en informatique, en rédaction… Cesse de te plaindre !” Oui, je veux bien cesser de me plaindre, mais il y a un conflit: je n’ai confiance qu’en mes capacités cérébrales, intellectuelles… tout le côté émotif me fait peur, peur, peur… tout le côté relationnel, ma personnalité, mes réactions, la gestion du public, des gens qui m’entourent… je me plais dans mon agoraphobie, mais je ne peux me permettre de rester isolée. Je m’efforce de multiplier les contacts, de m’impliquer, et je suis étonnée d’y arriver.
J’ai toujours été la petite “pas d’amis”, jusqu’à ce que je rencontre des gens un peu comme moi, qui étaient un peu dans la même situation… Jusqu’à y’a pas si longtemps (2 ans ?), j’étais la cible de commérages, on cassait des oeufs dans mon dos… Et maintenant, ceux qui ne me connaissent pas (et qui n’ont aucune raison de le faire) se fichent de moi, ce qui est une amélioration notable, et tous les autres s’intéressent, et me trouvent intéressante… Situation nouvelle pour moi, à mon souvenir, je n’ai jamais été “populaire”… et je suis en train de le devenir. Je ne m’y habituerai probablement pas, ce qui n’est pas plus mal dans un sens, parce que je ne deviendrai jamais détestable à cause de mon “succès”. Tête enflée, très peu pour moi…
Chapitre émotif: rien de glorieux.
Mon incapacité à pleurer perdure, voilà maintenant un mois et demi que j’ai versé ma dernière larme, même la piscine n’arrive pas à faire pleurer mes yeux, alors s’il fallait qu’une émotion y arrive… Ce serait le comble.
Rien de glorieux, parce que je me balade d’un extrême à l’autre, du fond du baril à la surface de l’eau. Pendant une semaine je me traîne les pieds, et la suivante, je fais rigoler tout le monde.
Rien de glorieux, parce que j’ai accepté froidement l’espèce de fatalité qui me fait penser que je n’ai aucune chance avec Seb, mais je reste quand même là comme une imbécile, à attendre… La moitié de ses gestes me donne des illusions, l’autre moitié me les enlève: au final, je suis coincée, je marche sur le fil qui sépare le rêve d’une vie avec lui de la réalité d’une vie “avec” lui, comme ami, frère… c’est ce qu’il veut, je crois.
Bientôt, il dira qu’il veut les avantages du couple, sans les engagements: dormir avec moi, m’embrasser, poser sa tête sur mon épaule au cinéma, tenir ma main quand personne ne regarde, mais ne jamais dire “je t’aime” ou “on est ensemble, ok ?”, même si ça crèvera les yeux de la planète entière -et les miens également. Peut-être alors pourrais-je pleurer à nouveau ?
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