J’en parle rarement, de ma vie. Ma vraie vie, celle que je mène hors de tous ces pixels. Oui, je parle de choses qui se produisent dans cette vie. Mais c’est anecdotique. Je parle rarement de mes impressions, de mes sentiments profonds. Ce blog est mon miroir superficiel, qui ne reflète qu’une infime partie de ce que je suis. Je suis entièrement mon blog, là n’est pas la question. J’ai en moi ce sens de l’humour potache, ces idées perverses et ridicules, ces opinions à l’emporte-pièce, ce sens artistique à peine peaufiné, ce goût d’apprendre constant, cette feignasserie désolante, cet amour de l’action.

Mais chaque médaille a son revers. Et ce soir, ou plutôt cette nuit, c’est tout mon être qui parle. C’est tout mon corps, toutes mes pensées, tout mon moi. Alors à la liste précédente, il faut ajouter ceci: amertume, désillusion, déception, tristesse, colère, frustration, et j’en passe.

Cette nuit, je réalise des choses que j’aurais du réaliser avant. Bien avant. Il est tard. Tard dans la nuit, mais tard dans ma vie aussi. J’ai vieilli rapidement, sans trop m’apercevoir que je vieillissais mal. J’ai oublié de vivre. J’ai oublié que quand le physique ne suit pas, on ne peut plus rien faire. J’ai oublié d’exister. J’ai oublié d’écouter la petite voix à l’intérieur de moi. Pourtant, c’était plein de logique, ce qu’elle disait. Mais j’ai pas voulu l’écouter. J’ai préféré foncer, tête baissée, et maintenant je rue dans les brancarts.

Ça m’a pris au détour, quand j’ai voulu me retourner et voir le chemin que j’avais parcouru. Je voulais être fière. Mais c’est tout le contraire. En me retournant, j’ai vu l’ombre de quelque chose d’énorme. Mon échec. Échec et mat.

Je me suis créé une superbe illusion de réussite et de confort. J’ai tellement bien réussi que j’y ai cru pendant un an et demi. J’ai cru que je pouvais m’habituer à quelque chose que je déteste.

Je suis épuisée. Fantômatique. Déprimée. Et pourtant, je hais ce mot, je le fuis comme la peste. Mais je dois me rendre à l’évidence.

Je n’ai plus envie de rien. Je suis incapable de travailler. Je ne mange presque plus, je dors plus de 16 heures par jour, et j’ai toujours cette impression de fatigue étouffante. Ce que je fais ne m’apporte qu’une satisfaction éphémère. Je n’ai plus envie de sourire. Je n’ai plus envie de voir les gens que j’apprécie. Je n’ai plus envie de parler. La seule chose dont j’ai peut-être envie, c’est de pleurer, ou dormir. Mais pleurer, j’en suis incapable. Le noeud que j’ai dans la gorge est tellement gros qu’il ne laisse même plus passer les sanglots que je sens monter.

Pourquoi je dis tout ça ? Je sais pas. Envie irrésistible de me plaindre ? Non. Envie de recevoir des fleurs et des mails d’encouragement ? Non. Envie d’avoir plus de lecteurs parce que je suis déprimée ? Non. Me prouver que je suis capable de le faire ? Vraiment, je ne sais pas pourquoi j’écris ça.

Pourtant, j’aime la vie. J’aime regarder dehors, à toute heure du jour et de la nuit. J’aime le petit vent qui me réveille lentement quand je marche pour aller prendre le bus. J’aime cette gamine, que je croise à heure fixe, le mardi midi, qui me fait toujours des si beaux sourires. J’aime vivre en appartement. J’aime être au Québec. J’aime la musique. J’aime plein de choses. Mais je n’ai plus aucune motivation, ni même aucune énergie, à consacrer à ces petites joies banales.

Je me sens comme si j’avais tout vu, tout fait. Plus rien ne me surprend ni m’étonne, tout m’indiffère. Moi y compris. Les couleurs que mes yeux voient sont automatiquement transposées en niveaux de gris. Les sons que mes oreilles entendent sont automatiquement convertis en trucs incompréhensibles, comme un poste de radio qu’on perd à cause des ondes brouillées.

C’est pas un cri d’aide. C’est pas une annonce de suicide. C’est le cri d’une fille qui est en train de réaliser que sa vie ne va pas du tout comme elle le voudrait. C’est le cri d’une fille qui se cherche. C’est le cri qu’une fille qui n’en peut plus de ne pas se trouver. C’est le cri d’une fille qui vient de réaliser qu’elle s’est menti pendant trop longtemps pour pouvoir réagir vite. C’est le cri que tous les autres posts cachent.

Gotta move.
Gotta do something.
Gotta get the hell outta here.
Gotta find a way.
Gotta go.