… où je me dis que je suis déphasée. [I]

Aujourd’hui, on est le 8 décembre. Outre que c’est la date officielle de la Fête des Lumières à Lyon, c’est aussi l’Immaculée Conception, mais je m’en fous, c’est pas là que je veux en venir. Le 8 décembre, c’est aussi la Fête de l’Université Laval à Québec, mais ça aussi, je m’en fous. Moins que de la Vierge, mais bon. Je m’égare Montparnasse.

(Voyez, je suis déphasée.)

Il y a 23 ans, John Lennon a succombé aux blessures par balles que lui avait infligées Mark David Chapman, quelques heures auparavant.
Chaque année, cette date m’émeut. Bizarrement.

Je n’étais même pas née quand c’est arrivé. Je n’ai jamais connu la Beatlemania, et les seuls albums que j’ai attendus avec impatience sont des compils ou des morceaux inédits. Oubliez le “t’as entendu le dernier des Beatles ? génial !!”, pour moi c’était “hey j’ai découvert Rubber Soul la semaine dernière, terrible !”, mais la réaction qui suivait cette phrase, c’était bien souvent “buâaah t’écoutes les Beatles ?!?” alors je retournais dans mon coin, chanter dans ma tête. J’avais 11 ans.

Mon coup de foudre pour les Beatles a commencé quelque part en janvier 1985, je venais d’avoir 4 ans: ma mère, occupée à faire du ménage, me demande de changer la cassette de côté dans le lecteur. Auto-reverse, c’était du luxe, à cette époque, et ne parlons pas des CD ! Je m’exécute. Un GOOD DAY SUNSHINE ! a retenti dans la pièce. Je suis restée scotchée aux haut-parleurs jusqu’à la fin de la chanson, puis finalement jusqu’à ce que je doive re-changer la cassette de côté.

A partir de cet instant, rien n’était pareil: j’avais fait, par moi-même, le choix d’aimer cette musique. Jusque là, je suivais, plus ou moins consciemment, les goûts de mes parents: la musique classique n’a à peu près aucun secret pour mon père, mes oreilles ont été bercées par les plus grands compositeurs dès ma naissance. Ma mère s’est chargée de ce qui n’était pas “musique classique”, mieux valait ne pas empiéter sur le territoire paternel. Mais jusqu’au Good Day Sunshine, j’avais suivi ce que mon père disait: “Vivaldi, c’est bien, mais il a fait autre chose que Les Quatre Saisons, et Bach, c’est pas que de la musique d’église”.

Avec Good Day Sunshine, j’ai plus ou moins découvert que la musique, c’était pas que des pianos, des violons, et tout ça. S’en est suivi une enquête (pas très élaborée), qui m’a bien vite appris que les Beatles n’étaient pas un petit groupe obscur de fond de Cavern, et qu’un des membres avait été assassiné 10 jours avant ma naissance. Malheureusement, j’ai vite fait le tour de la cassette, tellement que je connais encore par coeur l’enchaînement des chansons, début du côté A: Good Day Sunshine (1966), début du côté B: Magical Mystery Tour (1967). (C’était une compil perso, ne cherchez pas.)

Quelques années plus tard, mon père, heureux que je m’intéresse au phénomène Beatle plutôt qu’à la mode fluo/New Kids On The Block qui faisait rage, m’a offert un premier album original, édition vinyle: je découvrais Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band. Et accessoirement, je tombais amoureuse de Paul McCartney.

Le temps a passé, j’ai grandi, évolué, et au rythme des années, j’ai élargi mes connaissances dans le champ Beatles et tout ce qui s’y rapporte. J’ai évidemment eu ma période groupie, avec tout ce que ça implique d’achat de fan-magazines, t-shirts, les discours pacifistes, “toi-t’y-comprends-rien-t’es-nul”, “Paul c’est le meilleur”, “raaaaaaaaah il me faut l’Anthology 1 !!”, bis pour le 2, le 3, les posters, les compils, les machins inédits, et les détails inutiles sur la vie des Fab Four, genre l’ablation des amygdales à Ringo le 1er décembre 1964, etc etc etc… La vache, ce que je devais être chiante. (Oui bon ça n’a pas changé, je sais.)(Tous ceux qui ont pensé ça sont sommés de sortir tout de suite.)

Voilà pourquoi je suis déphasée. Décalée, même. Je ne suis pas née dans la bonne époque. Bon maintenant c’est moins pire, je fréquente des gens qui ont assez de culture pour connaitre au moins le nom des Beatles. Mais avant, quand j’avais entre 11 et 16 ans, c’était dramatique: je ne connaissais personne qui pouvait me comprendre quand je parlais des Beatles, Pink Floyd, Led Zep, Genesis… un traumatisme. J’ai même eu ma phase “essayons d’écouter les bouses populaires pour voir si c’est si bon que ça”, immédiatement suivie de “non, c’est vraiment nul le dance, retour aux souches”. Comme quoi, tout est cyclique…

Déphasée [II] à venir, c’est vraiment un sujet qui m’inspire…