J’aime pas les artistes.

Les vrais, les purs et durs, les intégristes, qui se promènent avec un indécollable verre de martini à la main et l’écharpe aux couleurs douteuses, hiver comme été, comme les kamikazes portent leurs ceintures d’explosifs.J’aime pas les artistes.

Ceux qui regardent le monde de haut, juchés sur l’oeuvre de leur vie.
Ceux qui regardent toujours dans le vide, le regard perdu dans l’éther enfumé et alcoolisé de leurs pensées.
Philosophes entre deux lignes de coke, qui prétendent détenir la vérité absolue, et affirment l’esthétiser.

J’aime pas les artistes.

Ceux qui clâment à grands cris de faon apeuré que l’Art, le VRAI, n’est pas accessible à la masse, qu’il distingue l’Homme de l’animal. Que l’Art, le VRAI, n’est compris que par l’élite. Que de toute façon, les génies sont de grands incompris.

J’aime pas les artistes.

Ceux qui vivent en bohème, affirmant que le matériel c’est secondaire, mais qui braillent comme des nourissons privés de leur tétine lorsque le gouvernement tranche à grands coups de coupures dans les subventions accordées à la vie culturelle.
Ceux qui méprisent les pauvres mortels accrochés à leur routine avilissante.
Ceux qui conspuent le commun terrien occupé à gagner son pain, homme vil et stupide préoccupé par son estomac et ses besoins primaires.
Ceux qui ne jurent que par la nourriture de l’âme -la coke et l’absinthe, ça ne compte pas.

J’aime pas les artistes.

Ceux qui ont mal à l’âme, qui souffrent de mille maux, qui portent la peine de la terre entière sur leurs épaules, qui esthétisent la douleur, qui expurgent le mal, qui exorcisent les sentiments surfaits, dégouttants de bovarysme, répugnants de condescendance, débordants de mépris et de haine envers la race humaine, dont ils portent pourtant les maux.

J’aime pas les artistes.

Et pourtant, par ma passion et mon métier, j’en suis une. La boucle est bouclée: je déteste ces gens qui détestent les gens.

J’aime pas les artistes.