J’ai profité du dernier vendredi avant la Relâche pour aller chercher la Rouquine à l’école un peu plus tôt. Innocemment, je me disais que j’emploierais ce temps pour faire un peu de cuisine avec elle et la laisser jouer plus librement autour de moi, vu mon absence de neurones de cette heure.
Je récupère donc le mo-monstre au service de garde, la vlà-t’y pas qui débarque en bottes d’hiver, en shorts-que-la-vieille-rétrograde-que-je-suis-trouve-trop-courts, en t-shirt genre poncho psychédélique… “C’était la journée qu’on pouvait s’habiller en été!! :D” (NDLR: -11°C dehors.)
On rentre à la maison et -oh, diversion!- elle constate qu’on a réorganisé un coin salon avec une vieille télé à écran cathodique (lecteur, souviens-toi de ce savoureux jeu de mot)(oui, souviens-toi, car moi je n’arrive pas à le retrouver… c’était un sombre truc à propos d’un écran religieux…). Arrive au galop la question du “pourquoi” à laquelle je réponds évasivement que c’est une vieille télé, et qu’elle saura plus tard à quoi ça sert. Elle file défaire sa boite à lunch, son sac d’école, et même faire l’échange sale-propre pour ses vêtements d’éducation physique. À mon appel, elle redescend, puisqu’on doit commencer à préparer le souper.
Je lui explique mon plan, qui consiste à cuisiner un poulet en broche dans le mini-four à convection. Toute prête à m’aider, elle attache ses cheveux, lave ses mains… je suis enthousiaste de la voir enthousiaste. On prépare donc le mélange d’épices, puis je sors la bestiole du frigo… et les convulsions commencent.
– OoOoOoooooh mais c’est ÇA un poulet!!??
– Oui… ben, une fois qu’il a été tué, plumé et vidé… (Bon, elle a 8 ans et demi, c’est ptêt pas trop tôt qu’elle comprenne d’où vient la viande qu’elle mange, après tout, elle s’est fait traumatiser par Chucky à 6 ans grâce à sa voisine…)
– Oh… mais pauvre petit lui… il n’a plus de tête…
– (On croirait entendre Sol!) Ben oui… mais crois-moi, avec la vie qu’il a eu, il est mieux mort!
– …
– Bon ok j’ai rien dit. Là on va lui attacher les pattes avec de la ficelle, sinon ça ne sera pas bien beau dans le four… et je vais le farcir d’oignons.
– Hein? Une farce, comme dans blague avec des oignons?
– Non, ça veut dire qu’on va mettre des oignons à l’intérieur, on appelle ça farcir… (je m’exécute)
– … !! Mais!! Tu lui mets des oignons dans les fesses!??!
– Oui, je ne peux pas les mettre ailleurs, non?
– … mais y’a rien dans le poulet??
– Non, il a été vidé… (je devine la réaction qui arrive)
– Ooooh il n’a plus de tête ni de coeur!! Oh pôvre-pôvre petit poulet!!
– Ça va, il ne le sent pas… (J’entreprends d’attacher le poulet pour maintenir les cuisses et ailes en place pendant la cuisson)
– AaaaaaAAAah!!!! (Et la voilà qui se roule sur le plancher, imitant la position du petit poulet)
– Mais qu’est-ce qu’il y a??
– ÇA FAIT PEUR!!!! JE SUIS UN PETIT POULET!!! (Commentaire que j’avais un peu vu venir, puisqu’on l’appelle un peu comme ça en ski alpin, alors qu’elle garde ses bras repliés serrés sur son corps en descendant)
– … et tu veux que je t’attache??
– NOOOON! (Elle se relève et constate que la bestiole est encore sur le comptoir, en train de se faire retourner pendant que je l’attache)
– Bon, calme-toi, qu’est-ce qu’il y a?
– Mais… mais… ça fait peur!!!
– Qu’est-ce qui te fait peur? Il est pas mal inoffensif le poulet, là… il n’a plus rien pour courir, pour crier ou pour manger. Il ne peut rien te faire.
– Je sais mais c’est dégueu!!
– Tu ne dis pas ça quand il arrive sous forme de croquette chez McDo…
– … ÇA VIENT D’UN POULET COMME ÇA!!??
– Oui.
(S’ensuit une partie où elle a franchement déraillé et m’a laissée terminer la préparation du poulet seule, alors qu’elle était occupée à personnifier un poulet zombie en courant en rond dans tout l’étage, en répétant à bout de souffle ZOMBIE-ZOMBIE-ZOMBIE-ZOMBIE-ZOMBIE-ZOMBIE-ZOMBIE!!!)
– Tu sais que “zombie”, si tu inverses les syllabes, ça fait “bison”?
– (Elle stoppe net de courir, me regarde avec les yeux écarquillés, puis reprend sa course) BISON ZOMBIE-BISON ZOMBIE-BISON ZOMBIE-BISON ZOMBIE-BISON ZOMBIE!!
– … mais je ne cuisine pas du bison, c’est un poulet…
– POULET ZOMBIE!!
Et la course reprend, alors que je m’affaire à envoyer le zombie de poulet dans la rôtissoire. Je lui permets de descendre quelques jeux pour s’occuper à côté de moi pendant que je termine un truc, et soudainement le salon est un peu plus calme… pour trois minutes…
– Bon, dis, tu vas m’expliquer la télé?
– Oui, je t’ai dit quand j’allais avoir fini mes choses à écrire. Donne-moi quinze minutes.
– OH MAIS C’EST LONG QUINZE MINUTES! Pourquoi tu ne me le dis pas tout de suite!?
– Parce que c’est comme ça.
– Mais je ne suis pas patiente!!!
– … je suis au courant.
Vingt minutes plus tard (soit le quinze minutes interrompu trois fois par “C’EST LONG”), je suis prête et on s’installe pour un moment d’éducation et d’anthologie de nostalgeek. La tête qu’elle a fait quand elle a compris que le Mario devant… c’était le vrai-original… avec des manettes “pas sans fil”…
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