Il est 11h00 du matin, je n’ai pas dormi depuis… une vingtaine d’heures, entrecoupées de deux heures de somnolence. Des tas de choses occupent mon esprit, je jongle, je pense à ma journée qui débute, le passé, le présent, le futur, l’attente, l’inconfort, pas facile de dormir dans ces conditions, donc, insomnie.
Je regarde dehors, je vois du soleil, beaucoup de soleil. Je ne sais pas quelle température il fait, je n’ai aucun repère auquel me fier. Tant pis, j’improviserai.
Après plusieurs minutes de préparation, d’attente, je suis enfin dans la voiture. Je laisse couler mon regard sur tout ce que mes yeux ont la chance de saisir, je ne prends même pas de photos, je n’y pense pas. Je savoure le moment, je me gave des paysages qui défilent. Rues, voitures, immeubles, gens, affiches, monuments… paysage quotidien, que je découvre.
Voiture immobilisée: je fais le reste à pied. Je gravis un escalier un peu humide, avec un dernier coup d’oeil au parking. Arrivée à l’extérieur, la lumière m’éblouit, je mets mes lunettes de soleil. Tous mes sens sont en éveil: mes yeux n’ont pas assez de cellules pour capter toutes les formes et les couleurs qui s’étalent devant moi, mon nez découvre une nouvelle palette d’odeurs, mes oreilles s’accoutument peu à peu à ces sons, mon épiderme m’informe de la température extérieure, je referme mon manteau.
Je tourne sur moi-même, je découvre le panorama, sans dire un mot. C’est là que mon instinct de photographe se réveille: je mitraille, tout et rien, de toute façon, j’aurai l’occasion de revenir, et je vais manquer de piles, mollo sur les photos.
Je regarde ce qui sera mon quotidien pour quelques mois, je marche sur ce sol qui sera “chez moi” pendant 12 mois.
C’était le 24 janvier 2003, je mettais les pieds à Paris, sur le parvis de Notre-Dame, après 9 heures de vol -transit inclus-, Cassandra et Xas étaient venus me chercher à l’aéroport, j’avais eu droit au tour du touriste en Lancia dans Paris avant de débarquer sur l’Ile de la Cité. C’était il y a deux ans, les chiffres ne mentent pas, même si on peut leur faire dire ce qu’on veut.
J’ai passé sous silence “l’anniversaire” de mon retour, le 15 janvier dernier. Bien que ce soit une date heureuse pour ma maman (c’est son anniversaire, elle retrouvait sa fille), pour moi, c’est une date un peu trop triste… D’ici quelques années, je percevrai probablement moins la tristesse, mais c’est encore trop “frais”.
Deux ans… j’ai quand même peine à y croire. Pour moi, tous ces souvenirs sont gravés si profondément et avec tant de précision qu’ils ne peuvent être déjà si éloignés dans le temps. Souvenirs précis, grâce aux photos, mais surtout grâce aux gens que j’ai connus là-bas. Les énumérer, je l’ai déjà fait. Je suis encore en contact avec plus de la moitié de ces gens, je souhaite que ça dure encore longtemps.
On oublie trop souvent que le temps est relatif, parce qu’on essaie de le rendre absolu, avec cette manie de le considérer comme une valeur, quelque chose de quantifiable, que l’on peut perdre, gagner, prendre, donner… Non, nous n’y somme pas, pas du tout.
Ce qui compte, c’est ce que la mémoire des gens fera perdurer. Et dans la mienne, il y a tous ces humains qui ont contribué à faire ce que je suis. On ne dit jamais assez à ces gens qu’ils sont importants pour nous… Je le fais, indirectement, impersonnellement, par ici: famille, amis, d’ici ou d’ailleurs, c’est peu dire que de vous dire “je ne serais rien sans vous”. Merci.
Ne pleure pas parce qu’une chose est terminée, souris plutôt parce qu’elle a eu lieu.
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