Certes, je ne vous apprends rien. Mais maniaque de quoi ? Du bon français. La langue, on s’entend. Celle qui peut être maternelle, secondaire, étrangère… Celle que vous utilisez pour communiquer. En fait, je suis maniaque du bon parler en général: je ne supporte pas qu’on mâchonne les mots, qu’on les maltraite, qu’on utilise inadéquatement tout un tas d’abréviations, d’anglicismes, de faux-néologismes acceptés par Larousse, je suis totalement contre le langage SMS, bref, ne touchez pas à ce qui devrait être un outil de communication, pas de dégradation.
Je ne suis pas aussi maniaque que la grande rousse, mais je ne supporte pas plus qu’elle les gens qui assassinent la langue qu’ils parlent, que ce soit le français, l’anglais, ou l’espagnol. (Malheureusement, j’ai mes limites, si vous massacrez de l’allemand, je ne m’en rendrai pas compte, je suis une quiche dans toutes les langues à déclinaisons.)
Aujourd’hui, je ne m’attaque pas à ceux qui confondent un participe passé et un infinitif: ce serait trop facile.
Je ne vise pas non plus les gens qui ne savent pas dire une phrase complète dans la même langue, ils ne me lisent pas de toute façon.
Je n’importunerai pas les amateurs de féminisation à outrance de tous les métiers de la terre: le féminisme, très peu pour moi.
Je laisserai tranquille les gens qui emploient des pluriels erronés, confondent les exceptions, mettent des S plutôt que des AUX, quelqu’un l’a déjà fait avant moi.
Je ne traînerai pas non plus au pilori les gens qui emploient des “si” avec un verbe au conditionnel (“rait”), bien que ce soit plutôt tentant, car cette erreur doit être celle qui m’arrache le plus les oreilles quand je l’entends.
Mais à qui donc vais-je m’attaquer ??! Sur qui ferai-je déferler ma haine sans bornes ??
Sur les gens qui ne savent pas faire la différence entre “a” et “à”. Ceux qui emploient le verbe avoir pour désigner un lieu, et ceux qui transforment tout ce qu’on peut avoir en destination géographique. Certes, l’emploi de “à” ne se borne pas qu’à désigner un lieu.
“à” est une préposition, comme dans à, de, pour, sans, avec, dans… (liste complète ici). Les prépositions servent à relier un nom ou un groupe nominal au reste de la phrase et à indiquer la fonction de ce nom ou groupe dans la phrase. Elles sont invariables.
Exemple: Il vit à Lyon. (Et ne m’embêtez pas avec le choix de la ville, vous savez où est la sortie.)
Ici, “à” est employé pour désigner l’endroit où quelqu’un vit: complément circonstanciel de lieu (réponse à la question “où ?” ou “d’où ?”).
Exemple 2: Il viendra à 18h00.
Ici, “à” est employé pour désigner un moment dans le temps (ici, dans le futur): complément circonstanciel de temps.
Je ne vous ferai pas 36 exemples, ceux-ci devraient suffire.
“a” est la forme conjuguée du verbe “avoir”, à la 3ème personne du singulier: il-elle a (ne me demandez pas quoi, nous avons tous des tas de choses).
“a” est aussi un des deux auxiliaires employés pour les temps composés, avec “être”, encore une fois à la 3ème personne du singulier: il-elle a dit (là par contre, je peux vous dire ce qu’elle a dit, elle a dit que le prochain qu’elle prenait à confondre un “a” avec un accent d’un “a” sans accent, elle le dénonçait à l’Académie Française, voilà).
Assez de théorie, passons à la pratique (et celui que je prends à loucher sur la copie de son voisin, il va rejoindre l’autre qui a demandé “pourquoi à Lyon”, dehors).
Trouvez la/les erreur(s) dans le texte suivant, et inscrivez-la/les dans les commentaires. Je veux les copies pour dans 24 heures sous la porte de mon bureau.
La dictée du diable
Les Français disputent à l’envi de leur orthographe. Qu’elle ait fâcheuse réputation, on n’en saurait douter. Qu’on n’en conclue pas qu’elle est illogique. Quelques problèmes qu’elle pose (et ils sont nombreux), quelles que soient les difficultés qu’elle soulève, quelque embrouillées qu’en paraissent les règles, elle n’exige qu’un peu de travail et de méthode. Les grammairiens ne se sont pas seulement donné la peine de la codifier : ils se sont plu à la rendre accessible. Quoi qu’on en ait pu dire, le travail auquel ils se sont astreints n’a pas été inutile. Les efforts qu’il a coûtés, les recherches qu’il a nécessitées ne doivent pas être sous-estimés. Que ce soit ignorance ou laisser-aller, beaucoup trop d’élèves tombent sans remords dans les traquenards de l’écriture. On hésite maintes fois avant d’écrire les infinitifs accoter, accoster, agrandir, agripper, aggraver, alourdir, aligner, alléger, apurer, aplanir, aplatir, appauvrir, etc. On s’embrouille fréquemment dans les suffixes : ceux par exemple d’atterrir et amerrir; de tension et rétention; de remontoir et promontoire, de prétoire et vomitoire; de vermisseau, souriceau, lapereau, bicot et levraut; de trembloter, toussoter, crachoter, frisotter, ballotter, grelotter; de gréement, dévouement, repliement, éternuement, braiment, châtiment; de gaiement, gentiment, éperdument, ambigument, dûment, crûment, etc. Qu’on ne croie pas ces distinctions injustifiées. Quoiqu’on n’en voie pas toujours la raison sur-le-champ, on n’en saurait vraiment diminuer le nombre qu’au dépens de la clarté. Hormis quelques-uns, elles ne sont dues qu’au souci de distinguer graphiquement les particules homonymes. Les quelque quatre mille familles de mots qui figurent dans notre lexique sont, au surplus, régulières. Le radical y apparaît constamment sous la même forme. Certaines font désormais exception : celles notamment où l’on trouve les mots barils, baricaut; combattant, combatif; cantonade, cantonal; charroyer, charretée; encolure, accolade; déshonorer, déshonneur; irascible, irriter; occurrence, concurrence; follement, affolement; prud’homie, prud’hommesque; persifler, sifflotement; insuffler, boursouflure; consonance, dissonance; imbécile, imbécillité, etc. Quant aux désinences verbales, elles sont parfois difficiles a appliquer. Sachons écrire sans hésitation celles de l’impératif (va, cueille, tressaille), du subjonctif (que nous criions, fuyions, ayons, soyons), du futur (j’avouerai, tu concluras, il nettoiera, j’essuierai, tu tueras, nous mourrons, vous pourrez), du présent (je revêts, tu couds, il geint, je répands, tu feins, il résout, je harcelle, tu râtelles, il martèle, je cachette, tu époussettes, il furète, j’écartèle, tu halètes, il cisèle, etc.) Ce texte, où l’on n’à voulu citer que des mots du vocabulaire courant, montre que notre orthographe est souvent compliquée, voire ambiguë, sinon arbitraire. Mais elle est inséparable de la langue. Même les écrivains lui restent attachés. Ils sont pourtant, plus que d’autres, en butte à ses tracasseries, c’est-à-dire plus souvent exposés à tomber dans ses chausse-trapes. Quoi qu’en pensent ses détracteurs, elle est affaire, tout à la fois, de réflexion et de mémoire. Ses subtilités mêmes imposent une salutaire discipline. Quels que soient les efforts qu’elle exige, il faut bien qu’on l’acquière. N’est-elle pas, comme le dit Sainte-Beuve, “le commencement de la littérature” ? (Texte de René Thimonnier) |
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