J’ai écrit le post précédent plus de douze heures après les attentats en Espagne. Pour ceux d’entre vous à qui je l’apprends, allez vous cultiver sur Le Monde.

Ironiquement, je me plains de mes petits bobos, quelques heures après que presque 200 personnes aient perdu la vie, et que 1 400 autres aient été blessées.

Le ridicule n’est pas dans le fait que j’aie posté ma complainte. Au moment d’écrire, j’ignorais tout de l’attentat.
Le ridicule est dans le fait que si je n’avais pas lu sur internet à propos de cet attentat, je n’en aurais jamais rien su.
D’accord, je n’ai pas de télé chez moi (et je m’en targue, si vous permettez), et j’écoute rarement la radio, parce qu’il n’est question que du procès de Robert Gillet et de la suspension d’un joueur de hockey qui en a tapé un autre.
Habituellement, j’écoute les conversations des gens autour de moi pour savoir ce qui se passe sur ma planète, voire dans ma ville.
Le ridicule est dans le fait qu’ici, à part lui, personne n’en a parlé.

Loin de moi l’idée de minimiser l’actualité québécoise ou canadienne. Un réseau de prostitution juvénile m’horrifie, autant que de voir de la violence gratuite dans un sport d’équipe.

Le ridicule est dans le fait qu’ici, on parle encore de la disparition prochaine du format géant de frites chez McDo.

Le ridicule est dans le fait qu’ici, on préfère s’entretenir à propos du prochain pantin qui sera éjecté de la Star Académie, plutôt que de l’actualité internationale.

Le ridicule est dans le fait qu’ici, quand certains parlent de leur conscience sociale et de leur engagement, ils se font rabrouer.

Le ridicule est dans le fait que la majorité bruyante, qui jappe, aboie, beugle, contrôlera toujours la minorité qui se tait. Parce que la minorité sait qu’il n’y a rien à faire d’autre. Plus on est nombreux, plus on est cons. Et les cons sont facilement reconnaissables: ils osent tout.

Tous les anticonformistes nourissent eux-même leur situation: en se retrouvant à l’écart, parce qu’incompatibles avec le moule, ils illustrent à perfection le phénomène de victimisation, et c’est ce qui plait dans la société judéo-chrétienne: ceux qui souffrent sont les bons, sont des gens bien. Alors on les aime bien, mais on les met à l’écart, parce que c’est là qu’on veut les voir: on a besoin de gens comme ça, pour se croire dans la norme, ça facilite le regard sur soi et sur les autres.

Le silence de la minorité est un silence navré. Un silence dégoûté.

Je ne veux pas démarrer de polémiques.
Je ne suis pas raciste.
Je suis blanche, québécoise, canadienne.
Je n’ai pas choisi.
Mais je suis cotée élitiste et intello, parce que je crois que l’état du monde est plus important que le maquillage de Julie Snyder.
Je suis fière de faire partie de cette minorité, je préfère savoir la souffrance qui m’entoure qu’être imbécile et heureuse.

Et je peux dire que vivre dans un pays de moules, ça me donne franchement la nausée.