Depuis que je suis partie de la France rentrée au Québec (essayons de voir positif), je cultive mes souvenirs avec une intensité assez surprenante pour un observateur extérieur.
J’entretiens des détails, dans ma mémoire, de façon à ce qu’ils ne tombent pas dans l’oubli, pour en ressortir, par hasard, au détour d’une conversation, tout empoussiérés. Comme une plante verte, je les arrose, régulièrement, je les soigne, je les éclaire…
Je me souviens de l’odeur des rues fraîchement arrosées le matin, surtout à Paris.
Je me souviens des différentes couleurs des banquettes des lignes de métro de Paris et de Lyon.
J’entends le bruit du claquement des rames entre les stations, le bruit d’ouverture et de fermeture des portes, le signal sonore, et la petite cloche de départ, qu’on entend que si on est dans la première rame (à Paris).
J’entends encore la dame du marché crier que ses endives sont super, madame, 2€ le kilo.
J’ai encore du mal à dire “dollars” plutôt que “euros”.
Je me rappelle de l’enfilade de publicités sur des dizaines de mètres à la sortie du métro, ligne 4, Porte d’Orléans, dans le couloir qui mène vers le parking et le bus 68.
Je me souviens de la Tour Eiffel illuminée, aperçue pour la première fois à 1 heure du matin le 26 janvier 2003, sur la pointe des pieds, du toit d’un appart du 15è arrondissement à Paris.
Je revois le Trocadéro sous la pluie, les touristes qui parcourent en vitesse les quelques mètres qui séparent la station de métro de l’entrée du théâtre.
Je revois ces arbres tout de blanc fleuris, en avril, à Genève, sur les bords du Rhône.
Il y a encore ces trois petites fleurs jaunes, qui contrastaient à merveille sur le mur blanc, fond de ciel bleu, au-dessus d’une petite rue en pavés à Angers.
Ce cheval à qui j’ai donné à manger en Auvergne et qui me remerciait à grands coups de tête.
Mes pieds nus dont le bout des orteils touchait à l’eau du lac du Parc de la Tête d’Or.
La couleur du soleil à travers le toit de la Gare de Lyon.
Le thermomètre qui indique 42°C à la sortie de Perrache.
La petite chute d’eau glacée qui m’a désaltérée au Col de la Madeleine.
Le Mistral qui a failli arracher la tente en Camargue.
Le goût des bonbons que j’ai mangés aux Baux de Provence.
La sonnerie de mon téléphone là-bas.
Le coup de vent du peloton du Tour de France à Tassin-la-Demi-Lune.
Le sable rouge de la Place Bellecour.
Les palmiers sagement alignés dans la Gare de Lyon.
Le soleil sur les moutons qui étaient hors de portée de mon APN à St-Didier-aux-Monts-d’Or.
Le petit rouge siroté à Châlon-sur-Saône.
…
Et comme si tout ça ne suffisait pas, je fais des posts pour faire des listes.
Et j’ai gardé mon clavier en azerty.
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